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La future Constitution est une œuvre collective

Constituicion debateLA première discussion sur le projet est de savoir s’il s’agit d’une nouvelle Constitution ou d’une réforme partielle du texte de 1976 et si, par conséquent, celui-ci ne peut être abrogé. Les partisans de cette deuxième position nient que, selon la clause de réforme, telle qu’elle a été réglementée en 2002, une réforme totale est impossible et qu’elle ne serait viable que si le système politique et social révolutionnaire cubain était transmuté, ce qui provoquerait une collision.

Selon notre point de vue, la modification de la clause de réforme n’empêche pas une réforme totale et celle-ci ne va pas nécessairement renverser dans sa totalité l’ordre politique et social soutenu la Constitution. Il s’agit d’un texte novateur, car il introduit des changements profonds dans la structure de l’État, en particulier de ses organes supérieurs, il y a une extension du catalogue des droits, qui le rendent différent de l’actuel, sans qu’il perde pour autant sa nature et son essence socialistes.

Une autre question soulevée est la convocation d’une assemblée constituante. De notre point de vue, ceci contredisait totalement la clause de réforme qui attribue le pouvoir constituant à l’Assemblée nationale. Ce à quoi s’ajoute le fait que la réforme ne rompt pas avec le passé, mais qu’au contraire elle introduit des changements au milieu de la continuité politique et sociale.

LE PARTI : DÉFENSEUR DE LA CONSTITUTION

Il convient de souligner certaines questions générales qui ressortent à la lecture du projet. Ce document réaffirme le caractère socialiste de notre système politique, économique et social. Cette seule reconnaissance ne suffit pas, mais les signes d’identité de ce concept sont visibles, concept auquel des précisions ont été apportées qui ne le dévalorisent en aucune façon.

Le rôle du Parti communiste est maintenu en tant qu’élément directeur de la société et de l’État, et son caractère démocratique et le lien nécessaire avec le peuple sont soulignés. On a prétendu, à partir de certaines positions, opposer le rôle du Parti à la souveraineté populaire et aux attributions qui, dans l’ordre étatique, incombent à chacun des organes définis dans la Constitution.

La première chose à considérer est que le Parti n’est pas placé au-dessus de la Constitution, car en tant qu’entité politique, il est obligé de s’y conformer et il se place aussi en son défenseur. En outre, dans son action quotidienne, il ne saurait se substituer aux organes de l’État et de l’administration, qui ont des pouvoirs et des compétences définis par la Constitution et les lois.

Le texte précise les valeurs d’humanisme, de justice sociale et de respect de la dignité humaine qui caractérisent notre socialisme. La reconnaissance de Cuba en tant qu’État socialiste fondé sur l’État de droit également consacrée. Cette affirmation n’est pas une simple déclaration de complaisance. C’est la détermination et la volonté de parvenir au règne de la loi et au caractère suprême de la Constitution dans le cadre d’un État socialiste.

Un contenu qui provoque un réajustement important concerne la régulation du système économique. Par principe, la propriété socialiste de tout le peuple sur les moyens fondamentaux de production, je le répète, les moyens fondamentaux, et l’orientation prévue de l’économie, sont maintenues, de même que la reconnaissance du rôle du marché. Il ne s’agit pas d’une économie de marché socialiste, mais d’envisager ce marché dans le cadre d’un système de planification, qui se devra bien sûr d’être plus souple.

Certains ont été frappés par la reconnaissance, parmi les différentes formes de propriété, de la propriété privée. La Constitution ne la crée pas, elle existe depuis toujours. Les changements introduits dans la conception économique, découlant des accords des 6e et 7e Congrès du Parti ont rendu viable l’existence de cette forme de propriété dans le pays, qui va au-delà de ce qui a été appelé le travail indépendant, en rendant possible l’embauche de main-d’œuvre. Ce qui est important, c’est qu’elle ne fait pas de distinction et n’a pas de prédominance dans le modèle. Elle est également nécessaire dans certaines activités et avec la mise en place de la réglementation et du contrôle nécessaires. Le projet limite l’interdiction de la concentration de biens entre les mains de personnes physiques ou morales non étatiques, dans le but de préserver « des limites compatibles avec les valeurs socialistes d’équité et de justice sociale ».

Il y a eu une polémique à propos de la variation de la notion de mariage en abandonnant la conception actuelle selon laquelle il est contracté entre un homme et une femme et qu’il est conçu à présent comme l’union entre deux personnes, laissant ainsi place à la possibilité d’un mariage égalitaire.

Il a été décidé de maintenir cette configuration et de relever le défi du nouveau concept, sachant que son inclusion pourrait provoquer des divergences liées à des raisons culturelles, des préjugés et des visions stéréotypées qui ne s’effacent pas du jour au lendemain.

Si la Constitution proclame une large reconnaissance du droit à l’égalité, pourquoi devrait-elle empêcher les personnes d’orientation sexuelle différente de se marier ? Elle devra suivre ce concept ancré dans des visions déjà dépassées par le temps ou se modifier et se reconnaître comme un droit, comme cela tend à se généraliser à l’échelle mondiale.

Les positions sur cette réglementation sont diverses : il y a ceux qui préfèrent maintenir le concept de la Constitution actuelle ; ceux qui sont favorables à la rédaction du projet de loi ; ceux qui acceptent la reconnaissance civile des couples de fait et non du mariage, ceux qui acceptent mais limitent le droit à l’adoption et, enfin, ceux qui défendent la notion de « deux ou plusieurs personnes ». Bref, une diversité d’opinions qui doivent être évaluées comme d’autres avec la rigueur et la profondeur requises.

À notre avis, le Droit ne saurait rester l’esclave perpétuel des retards sociaux, même si, à un moment donné, il peut entrer en collision avec une partie de l’éventail social. Dans sa mission transformatrice, il est également chargé de promouvoir le développement. Ce n’est pas la première fois que nous sommes confrontés à ce genre de défis. Rappelons-nous dans l’histoire les conflits posés par la reconnaissance du droit de vote des femmes, ou l’acceptation du divorce, ou encore, dans notre cas, par le principe de l’égalité des droits entre hommes et femmes et l’égale responsabilité des conjoints, selon notre Code de la famille.

Certains droits économiques et sociaux, dont la garantie ne peut être assurée immédiatement pour des raisons économiques qui dépassent la volonté de l’État et qui rendraient la Constitution fictive, sont réglementés par une projection de progressivité, ce qui génère également un certain désaccord. Tel est le cas du droit à un logement décent, du droit à l’alimentation, du droit à l’eau, entre autres.

La formule employée impose à l’État d’œuvrer à la réalisation de la plénitude de ces droits, mais, de notre point de vue, elle ne peut être configurée de manière stricte en raison des limites très objectives que comporte sa réalisation.

Les organes locaux du Pouvoir populaire sont également concernés par les transformations du projet. Dans la structure provinciale, les assemblées du Pouvoir populaire sont supprimées, laissant la place à un gouvernement composé d’un gouverneur et d’un Conseil provincial. Ce Conseil, dirigé par le gouverneur, inclurait également les présidents des assemblées municipales et les intendants qui sont en charge de la direction administrative de la municipalité.

Cette structure a été jugée plus fonctionnelle et mieux adaptée aux particularités des provinces, en tant qu’entité de coordination territoriale et afin d’en arriver à une plus grande et large autonomisation des communes. Une question à examiner, sur la base des propositions formulées jusqu’à présent, est de savoir si le Gouverneur doit être nommé ou élu.

Le texte favorise la mise en valeur des potentialités des municipalités. Ce n’est pas par hasard que certains l’ont vu comme « gagnantes» dans le projet. La reconnaissance de leur autonomie et la plus grande relation entre la communauté et ses représentants distinguent cette proposition.

UN DOCUMENT PERFECTIBLE

Nous devons le considérer comme ce qu’il est : un projet. Il ne s’agit pas du texte final. Il est perfectible. Il ne s’agit pas du travail d’une commission ou d’un groupe. C’est une oeuvre collective et la future Constitution se construit avec la contribution de tout le peuple.

Sans faire preuve de vanité, nous pouvons affirmer que nous sommes confrontés à un exercice unique de démocratie réelle et effective et à un processus constitutif tout aussi paradigmatique où le peuple est le véritable protagoniste. Le bilan jusqu’à présent peut être considéré comme très positif. En plus de contribuer à la future Constitution, cet exercice a permis d’élever la culture juridique et politique du peuple.

Une fois la consultation populaire terminée, chaque proposition, y compris les commentaires et les remarques de nos citoyens, sera évaluée par la Commission de rédaction. Aucune opinion ne sera ignorée. Cela ne signifie évidemment pas que toutes les recommandations seront incluses dans le texte, car il existe des dissemblances et même des suggestions contradictoires.

À la suite de ce travail complexe et ardu, la Commission présentera un nouveau projet à l’Assemblée nationale, d’où émergera la nouvelle Constitution de la République, qui sera soumise au vote populaire. En conséquence, le texte obtenu par consensus et par la participation populaire jouirait d’une forte légitimité. Chaque Cubain pourra être fier de sa Constitution.

Une fois la nouvelle Constitution proclamée, il s’impose de perfectionner le système juridique du pays. La Constitution à elle seule ne suffit pas. Le système juridique doit être mis à jour et, à cette fin, une législation plus intensive est nécessaire.

Extraits de la conférence donnée à l’ouverture du Congrès international des avocats 2018 par le Secrétaire du Conseil d’État Homero Acosta.

(Granma)

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