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La culture dans la Révolution

palabras intelectualesCe furent trois journées intenses d’échanges francs et ouverts à la bibliothèque nationale José Marti. Les 16, 23 et 30 juin 1961, Fidel, accompagné d’autres dirigeants de la Révolution et de nombreux écrivains et artistes cubains de diverses disciplines, eurent des entretiens au cours desquels furent exposés les préoccupations, les doutes et les problèmes liés à la création et à la circulation des idées et des productions artistiques et littéraires, et où furent abordées les relations entre les institutions naissantes et la communauté intellectuelle.

Le dernier jour, Fidel prononça un discours, connu depuis lors comme les Paroles aux intellectuels et considéré à juste titre et pour plusieurs raisons, comme l’une des plateformes fondatrices de la politique culturelle de la Révolution.

Avant toute chose, il conviendrait d’apprécier le fait que le commandant en chef ait consacré du temps et de l’énergie à une rencontre de cette nature. Deux mois à peine s’étaient écoulés depuis l’invasion mercenaire et la répercussion de la victoire de Playa Giron était encore fraîche. Cependant, les tambours de guerre ne s’étaient pas encore tus. Washington redoublait d’efforts pour disséminer dans le pays des bandes de contre-révolutionnaires ; les effets du blocus se faisaient cruellement sentir dans la vie quotidienne de la population et le sud de la Floride se renforçait comme la terre promise et le foyer de subversion pour la bourgeoisie cubaine vaincue et pliée aux intérêts des États-Unis.

Mais pour la direction politique, le dialogue était nécessaire et urgente. La culture était – et comme nous le verrons plus tard, continua d’être et est aujourd’hui – une priorité. Entre 1959 et 1961, au cœur de transformations socio-économiques profondes et radicales et de l’aggravation de l’affrontement entre les États-Unis et Cuba, naquirent l’Institut cubain de l’Art et de l’Industrie cinématographiques, la Casa de las Américas, l’Imprimerie nationale, le Ballet national fut refondé sous la direction d’Alicia Alonso, de même que l’Orchestre symphonique national ; le Théâtre National de Cuba commençait à prendre corps, alors que quelques heures avant l’agression de Giron débuta la formation des instructeurs d’art.

Bien qu’incontestablement l’œuvre culturelle la plus importante battait son plein : la campagne d’alphabétisation. Plus de 268 000 volontaires d’un bout à l’autre du territoire national, apprirent à lire et à écrire à 707 000 personnes en moins d’un an.

Du discours de Fidel, on a coutume de ne citer qu’une seule phrase : « Dans la Révolution, tout, contre la révolution, rien. » Il y eut plus d’une distorsion de la lettre et de l’esprit de cette phrase, comme lorsque l’on changea « contre » par « en dehors », ou que l’on confond son fondement englobant et inclusif avec une visée restrictive diamétralement opposée à cette formulation politique très précise. Tout était et est synonyme d’unité dans la diversité, la construction d’un consensus au-delà des dissensions réelles et possibles, l’amplitude des regards au-delà des sectes et des dogmes. « Contre », c’était et cela reste le droit inaliénable de la Révolution d’exister et de conjurer, à l’époque et actuellement, les agressions, les menaces et les dangers.

À ce sujet Fidel posa comme principe : « Permettez-moi de vous dire en premier lieu que la Révolution défend la liberté, que la Révolution a apporté au pays un grand nombre de libertés, que la Révolution ne saurait être par essence ennemie des libertés ; que si quiconque a comme préoccupation que la Révolution va asphyxier son esprit créateur, que cette préoccupation est inutile, que cette préoccupation n’a pas de raison d’être. »

Et à la suite, il déclara : « Il est possible que les hommes et les femmes qui ont une attitude réellement révolutionnaire face à la réalité ne constituent pas le secteur majorité de la population : les révolutionnaires sont l’avant-garde du peuple. Mais les révolutionnaires doivent aspirer à ce que tout le peuple marche à leurs côtés. La Révolution ne saurait renoncer au fait que tous les hommes et toutes les femmes honnêtes, qu’ils soient ou non écrivains ou artistes, marchent à ses côtés ; la Révolution doit aspirer à ce que quiconque ait des doutes devienne révolutionnaire ; la Révolution doit tenter de gagner à ses idées la plus grande partie du peuple, la Révolution ne doit jamais renoncer à compter sur la majorité du peuple, à compter non seulement sur les Révolutionnaires, mais sur tous les citoyens honnêtes, qui même s’ils ne sont pas révolutionnaires – c’est-à-dire qu’ils n’aient pas une attitude révolutionnaire face à la vie – soient à ses côtés ».

Une relecture des Paroles aux intellectuels nous amène à considérer une vaste gamme de sujets et de propositions dont l’actualité, dans la plupart des cas, doit orienter nos efforts actuels.

Parmi eux il convient de souligner la perspective de créer et de soutenir un système d’institutions culturelles qui réponde à la nécessité de stimuler la création et la promotion de cette dernière à échelle sociale. La démocratisation de la culture a été l’un des piliers de l’œuvre révolutionnaire dans cette sphère de la vie.

Le rêve de Fidel de « créer les conditions qui permettent que tout talent artistique, littéraire ou scientifique ou de quelque ordre que ce soit puisse se développer » est devenu réalité. Un an plus tard avec la création des Écoles nationales d’Art, à Cubanacan, première pierre d’un programme rénovateur d’enseignement artistique, présentes ensuite dans tout le pays, des enfants et des jeunes qui, du fait de leur origine, ne pouvaient ni même rêver d’une formation universitaire accédèrent à l’apprentissage et à la maîtrise des différentes expressions artistiques. La continuité de ce processus a multiplié, à des niveaux sans précédents, les promotions hautement qualifiées de musiciens, danseurs, artistes plasticiens et des arts de la scène.

Durant ces réunions un canal de communications fluide et permanente fut mis en place entre le leadership politique et le mouvement artistique et intellectuel. L’écrivain Ambrosio Fornet a déclaré avec lucidité :

« Ce que [Fidel] a dit, c’est que nous appartenons tous à un seul mouvement que nous appelons Révolution cubaine, un mouvement de transformations. Et la question qu’il posa aux intellectuels et artistes fut : ” comment allez-vous participer à ce processus ? Qu’avez-vous à apporter à ce processus ? ” Il laissa une réponse pour chacun de nous et, en même temps, une pour l’activité pratique, pour la fonction réelle, non en tenant compte des préférences, mais à la façon d’inclure le débat culturel en fonction d’un processus de transformations ».

En définissant sans équivoque que « la Révolution signifie précisément davantage de culture et davantage d’art », le commandant en chef scellait l’engagement de l’avant-garde politique avec une dimension inaliénable du développement. Celui qui proclama à l’époque : « Nous allons lancer une bataille contre l’inculture, nous allons livrer une bataille contre l’inculture », fut le même qui, de nombreuses années plus tard, au milieu des pénuries et la résistance tenace des années 90, affirma : « La culture est la première chose que nous devons sauver. »

(Granma)

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