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Loi Helms-Burton : instrument de la reconquête néocoloniale de Cuba

helms berton« D’une manière qui allait à l’encontre du peuple cubain, nous utilisions notre influence auprès du gouvernement pour favoriser les intérêts et augmenter les profits des entreprises privées étasuniennes qui dominaient l’économie de l’Île. Au début de 1959, les entreprises nord-américaines possédaient près de 40 % des terres sucrières, presque toutes les fermes d’élevage de bétail, 90 % des mines et des concessions minières, 80 % des services et pratiquement toute l’industrie pétrolière, et fournissaient les deux tiers des importations de Cuba.

« …La plus désastreuse de nos erreurs fut peut-être la décision propulser et de soutenir l’une des dictatures les plus sanglantes et les plus répressives de la longue histoire de la répression en Amérique latine. Fulgencio Batista a assassiné 20 000 Cubains en sept ans, une proportion de la population cubaine supérieure à celle des Étasuniens, morts au cours des deux grandes guerres mondiales. Certains porte-parole de l’administration ont fait l’éloge de Batista, l’ont présenté comme un allié fiable et un bon ami, à un moment où Batista assassinait des milliers de citoyens, détruisait les derniers vestiges de la liberté et volait des centaines de millions de dollars au peuple cubain.

Ces paroles ont été prononcées par le jeune sénateur démocrate J.F. Kennedy pendant la campagne présidentielle de 1960. Le même Kennedy qui, peu après, désormais sous la logique systémique et en tant que président des États-Unis, se chargerait de l’invasion mercenaire par Playa Giron, de l’approbation de l’opération Mangouste, de la signature du décret qui officialisa le blocus contre Cuba, mais qui, au moment de son assassinat, explorait les voies d’un rapprochement secret avec Cuba,. Qu’ils aient fait partie de la démagogie électorale ou qu’ils soient vraiment sincères, les propos de Kennedy sur la Cuba des années 1950 reflétaient une réalité irréfutable. C’est précisément cette Cuba que les ennemis de la nation cubaine, qui ont participé à la rédaction de la Loi Burton Helms en 1996 ou qui ont exercé des pressions pour son adoption, ont toujours cherché à restaurer – en s’adaptant à un nouveau contexte. Ce sont les mêmes secteurs réactionnaires, dans la plus pure culture de l’Amendement Platt, qui s’enhardissent aujourd’hui, encouragés par le soutien inconditionnel de l’administration de Donald Trump pour leur campagne d’hostilités contre la Révolution cubaine. Une situation qui a mis les relations bilatérales à leur niveau le plus bas depuis l’époque de W. Bush, avec une nouvelle détérioration toujours possible.

Beaucoup d’encre a coulé à propos de l’aberration juridique, en violation flagrante du Droit international, que représente la Loi Helms-Burton, mais en premier lieu, tout cela est basé sur une aberration politique des groupes de pouvoir aux États-Unis qui représentent une pensée rétrograde qui refuse de disparaître et d’accepter une réalité beaucoup plus prometteuse pour les relations avec Cuba.

Par ailleurs, les Titres III et IV de la Loi ont retenu beaucoup plus l’attention, du fait de leur portée internationale. Cependant, sans minimiser l’importance de ces derniers, l’essence de la Loi réside dans les Titres I et II. En fait, dans une large mesure, les Titres III et IV répondent à l’intérêt d’atteindre les objectifs énoncés dans les deux premiers.

Dans sa lettre et dans son esprit, toute la Loi Helms Burton a un caractère extraterritorial et constitue un affront à la souveraineté de Cuba, car elle ne reconnaît pas le droit de la nation cubaine à son indépendance et à son autodétermination.

Comme on le sait, c’est au Titre I que le blocus est codifié, à savoir que toutes les réglementations, les mesures, les décrets et les dispositions qui jusqu’alors faisaient partie de l’armature de la guerre économique contre Cuba deviennent Loi. Il se produit donc un transfert de prérogatives de l’exécutif vers le législatif quant à la possibilité de lever totalement le blocus contre l’Île. Dans le Titre I se trouvent également renforcées toutes les sanctions internationales contre les pays tiers qui établissent une quelconque relation économique ou commerciale avec Cuba ou qui lui fournissent une aide, et il y est officialisé le financement et le soutien général aux groupuscules contre-révolutionnaires de l’Île qui agissent comme une cinquième colonne.

Cependant, le Titre II dépasse les limites de ce que nous pouvons considérer d’irrationnel dans le cadre des prétentions impérialistes qui ont caractérisé la politique des États-Unis à l’égard de Cuba. À la lecture de ce Titre, il est impossible pour tout Cubain de ne pas établir un parallèle avec l’amendement Platt, imposé de force par le gouvernement des États-Unis en annexe à la Constitution cubaine de 1901. Dans l’imaginaire cubain, l’Amendement Platt constitue l’un des souvenirs les plus tristes et les plus détestés de ce que fut l’ingérence et la domination étasunienne sur l’Île pendant les 60 ans de la République bourgeoise néocoloniale. L’application de cet amendement conduisit à plusieurs interventions militaires étasuniennes – directes et préventives – de Cuba, dont une seconde occupation de 1906 à 1909. C’est pourquoi l’empreinte de cet amendement, présente dans la loi Helms-Burton, continue de provoquer le rejet le plus énergique du peuple cubain, tandis que le fait de prétendre internationaliser le blocus et menacer des pays tiers faisant ou souhaitant faire du commerce et investissant à Cuba n’a pas manqué de soulever des voix pour le condamner dans la communauté internationale, y compris aux États-Unis. Rien d’étonnant à ce que plusieurs analystes ont également vu dans la Loi Helms-Burton une sorte de corollaire de l’Amendement Platt et de la Doctrine Monroe.

Dans la loi Helms-Burton, et surtout dans son Titre II, le blocus économique, commercial et financier est ratifié comme la pierre angulaire de la politique agressive des États-Unis contre Cuba, avec pour objectif de briser la volonté souveraine de toute une nation et de conditionner la levée des sanctions économiques au retour de Cuba dans la zone d’influence et de domination des États-Unis.

L’Amendement Platt a donné aux États-Unis le droit d’intervenir à Cuba chaque fois qu’ils le jugent bon. Or, la Loi Helms-Burton va plus loin, en établissant ce que devra être pour le président et le Congrès un gouvernement de transition et démocratiquement élu à Cuba, pour lever le blocus dans l’avenir et fournir une assistance économique.

Mais supposons hypothétiquement que les rêves d’une reconquête capitaliste néocoloniale à Cuba s’accomplissent, la disproportion est telle qu’elle montre clairement qu’après l’instauration d’un gouvernement contre-révolutionnaire au pouvoir à Cuba, avec une démocratie représentative bourgeoise et un système multipartite, une économie de marché, Radio Marti et TV Marti émettant sans interférence, entre autres exigences établies dans ce Titre, le blocus continuerait d’exister. Avant sa levée définitive, selon le paragraphe, dans son alinéa 205, ce gouvernement pro-yankee devrait restituer ou indemniser les propriétés confisquées par le gouvernement révolutionnaire cubain aux citoyens qui étaient étasuniens le 1er janvier ou après.

Et pour qu’il soit pris acte que cet élément est le plus important de ce Titre, il est dit : « Il est de l’avis du Congrès que le règlement satisfaisant des revendications de propriétés de la part d’un gouvernement cubain reconnu par les États-Unis reste une condition indispensable pour le plein rétablissement des relations économiques et diplomatiques entre les États-Unis et Cuba. »

La date du 1er janvier 1959 y est incluse délibérément, parce que dans ce cas il n’est pas seulement question des « 5 911 plaintes certifiées » jusqu’à l’approbation de la Loi Helms-Burton, mais y sont incorporés également des personnes qui n’étaient pas citoyens étasuniens au moment du processus de nationalisation et qui ont obtenu la nationalité par la suite, mais aussi les partisans de Batista et toute la mafia qui ont fui Cuba dans les premiers jours de janvier 1959, au triomphe de la Révolution, et dont aucun bien n’a été nationalisé. Par contre, les propriétés qu’ils avaient abandonnées ont été confisquées, après qu’ils ont fui sachant qu’ils risquaient d’être poursuivis pour détournement de fonds, vol, assassinat et torture. Cuba deviendrait de nouveau un pays pieds et poings liés à la puissance étrangère. Ainsi, le véritable objectif de la Loi Helms-Burton se révèle sans fard, qui explique également la raison de la politique des États-Unis contre Cuba et l’essence du conflit entre les deux pays depuis plus de deux siècles, notamment au cours des six dernières décennies.

En réalité, la plupart des secteurs qui ont influencé la politique des États-Unis à l’égard de Cuba, parmi lesquels les défenseurs à outrance de la Loi Helms-Burton et les faucons qui régentent aujourd’hui la conception de la politique envers l’Île, n’ont que faire de la démocratie libérale et des droits de l’Homme, si cela ne leur assure pas avant toute chose la transformation de l’Île en une enclave sous domination yanqui. C’est ce qui véritablement important pour leurs intérêts, le reste peut être fonctionnel, mais ce n’est pas une condition sine qua non, même si le discours public le dissimule. La Loi Helms-Burton et le Titre II auquel nous avons fait référence sont également truffés de termes trompeurs et cyniques. En fait, toute la Loi est basée sur l’idée que Cuba est une menace non seulement pour la sécurité nationale des États-Unis, mais aussi pour la sécurité internationale. Lorsque les États-Unis parlent de « sécurité nationale » et même de « sécurité internationale », ils font en réalité allusion à la sécurité impériale de la classe dirigeante de ce pays, aujourd’hui plus déchaînée et plus violente que jamais face au déclin évident de son hégémonie mondiale.

La Loi Helms-Burton est non seulement illégale et illégitime, mais elle est aussi politiquement non viable, dans la mesure où elle est ancrée dans un passé ignominieux que les Cubains ont dû surmonter à force de courage, de sacrifices, de sueur, de larmes et de sang versés par plusieurs générations, et auquel on ne pourrait revenir qu’en supprimant physiquement tout un peuple et en balayant, depuis ses fondements mêmes, l’histoire, la tradition et la culture de la nation cubaine.

Comme Fidel nous en a averti en 1994 : « La normalisation des relations entre les deux pays est la seule alternative ; un blocus naval ne résoudrait rien, une bombe atomique pour parler en langage figuré, non plus. Faire exploser notre pays, comme cela a été et est toujours prévu, ne servirait en rien les intérêts des États-Unis. Cela le rendrait ingouvernable pendant cent ans et la lutte ne s’achèverait jamais. Seule la Révolution peut rendre viable la marche et l’avenir de ce pays. »

(Granma)

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