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Nicolás Guillén en julio

Guillen y FidelSalué depuis la parution du recueil Motivos de son sur la page Ideales de una Raza du Diario de la Marina, le 20 avril 1930, l’œuvre poétique de Guillén atteint une célébrité précoce accompagnée d’un prestige intellectuel croissant

PARMI les multiples vertus de la poésie de Nicolas Guillén (Camagüey, 1902-La Havane, 1989), figurent non seulement l’excellence de la forme qui a fait de lui un classique de la langue espagnole du 20e siècle, mais aussi une variété révélatrice de thèmes, pour la plupart centrés sur des personnages, des portraits, des paysages et des événements de l’Histoire nationale cubaine. Salué depuis la parution du recueil Motivos de son sur la page Ideales de una Raza du Diario de la Marina, le 20 avril 1930, l’œuvre poétique de Guillén atteint une célébrité précoce accompagnée d’un prestige intellectuel croissant.

L’été, la seule saison que le poète reconnaissait comme la plus légitime et la plus longue de l’île, fut un thème central de ses poèmes et de sa prose journalistique. Il avait une dévotion depuis son plus jeune âge, comme il l’a commenté à plusieurs amis de Camagüey, pour le soleil, pour l’été. Je me souviens toujours de son vers de 1934, Le soleil brûle ici toutes choses, du cerveau jusqu’aux roses (West Indies, Ltd., 1934). Ou de sa célèbre blague à un journaliste français qui, lors de son exil parisien, l’interviewa pour un journal local. Quand il lui demanda combien il y avait de saisons à Cuba, Nicolas a répondu : « Pour autant que je sache, il y a deux saisons à Cuba : la saison d’été et la gare [jeu de mots sur le mot "estacion" qui signifie saison et gare].

Comme le lecteur aura pu l’apprécier, le mois de juillet est un espace légitime, un point cardinal pour la biographie de l’auteur du Son entero (1947), si l’on tient compte que son être, physique et spirituel, est venu au monde, dans la belle ville qu’il qualifiait dans ses célèbres vers, de « ville de bergers et de chapeaux », aujourd’hui Camagüey. Il est né le 10 juillet 1902 et est mort le 16 juillet 1989, à La Havane.

Sa vie eut une splendeur perceptible aussi bien dans ses vers et dans sa prose que dans le déploiement d’une attitude au service des causes les meilleures et les plus nobles du monde : depuis son engagement envers celle de la guerre civile espagnole durant la troisième décennie du 20e siècle jusqu’à l’énergie prémonitoire et tragique de la Génération du Centenaire, dirigée par ce jeune avocat (Fidel Castro] dont la personnalité l’attira depuis son exil parisien durant l’été 1953.

La mort de son père fut une catastrophe affective qui se transforma en substance épique et lyrique à travers l’un de ses livres d’une grande importance éthique, Cantos para soldados y sones para turistas (1937), écrit peut-être comme un présage et une ouverture aux valeurs qui allaient être en jeu pendant la guerre civile espagnole.

Federico Garcia Lorca, également assassiné par des soldats au début de la guerre civile, arracherait à Guillén un chef-d’œuvre, la Angustia cuarta, salué par tant de lecteurs et de critiques, dont l’Argentin Don Ezequiel Martinez Estrada, pour qui le ton élégiaque caractérisait l’art poétique de Guillén. Dans la dernière chanson de ce poème, apparaitront des éléments qui interviendront dans un autre chef-d’œuvre recueilli dans El son entero, dix ans plus tard. Souvenons-nous : (Une chanson) Il sortit le dimanche, de nuit, /il sortit le dimanche,/ et ne revint pas / il portait un lis dans la main, / il portait la fièvre dans ses yeux ; / le lis devint sang, / le sang devint mort. (Angustia cuarta)

Nicholas Guillén, prince de la langue, encourage pour toujours dans ces vers : j’allais sur un chemin, / quand j’ai rencontré la Mort / -Ami ! –cria la mort, / mais je ne lui ai pas répondu…..

Un invariable 16 juillet 1989, voilà 30 ans, il partit pour le long voyage dont il avait prévu le chemin depuis 1945, lorsque la mort lui offrit, dans un cri, sa profonde amitié. Bien qu’acclamé pour sa découverte du « son » [forme rythmique et métrique] pour la poésie cultivée et populaire dans notre langue, Guillén, paradoxalement, fut un poète élégiaque, si bien que la mort façonna son expression dans les moments les plus représentatifs.

Pour Nicolas Guillén, l’exercice de la poésie fut un acte essentiellement vital. Ses vers, clairs et simples, comme José Marti le souhaitait, servirent à fustiger la griffe du maître – trafiquant d’esclaves ou investisseur dans la mondialisation – ; à éveiller la conscience des humbles ; à dénoncer résolument les manifestations les plus subtiles ou les plus agressives de préjugés raciaux ; bref, à être la voix des plus pures aspirations des Cubains.

Une voix qui n’appartient pas seulement à Cuba, mais aux Antilles et aux Caraïbes, ainsi qu’au reste de l’Amérique latine. Parallèlement à son œuvre, Guillén a su fonder l’image de l’âme nationale en créant une poétique dont le vert et le bleu antillais sont les piliers légitimes, tout comme la guitare, le palmier, les bois précieux des montagnes, le lézard, le rosier, le petit oiseau en papier.

(Granma)

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