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Pourquoi les nationalisations furent-elles légales ?

Diario nacionalizacionesPAR les temps qui courent, face à la montée des agressions et de l’arrogance impériale yankee, on entend de nombreux Cubains paraphraser le général Antonio Maceo qui, lors de la rencontre historique avec le général espagnol Martinez Campos à Mangos de Baragua, en 1878, en réponse à la proposition de capitulation que représentait le Pacte du Zanjon, s’était exclamé : « …. Non, nous ne nous entendons pas… » Je suis du même avis. Nous ne pouvons pas nous entendre avec le gouvernement des États-Unis, et ce pour de nombreuses raisons, entre autres parce que nous nous efforçons de donner aux mots la pleine interprétation qu’il convient de leur donner.

Dans La loi Helms-Burton, les termes « propriétés confisquées » et « biens confisqués » reviennent avec insistance. Comme l’explique Olga Miranda Bravo, aucun de ces termes ne « signifie nationalisation (…) qui est définie comme un acte par lequel la nation, selon la procédure légale, peut disposer de l’appropriation, pour différentes raisons, de propriétés privées pour les transmettre au trésor public ».

La confiscation de biens est un acte juridique accessoire résultant de la commission d’un délit, et de ce fait, en plus de la peine encourue par l’auteur, celui-ci doit répondre avec ses biens, dont il est dépossédé, sans droit à aucune indemnisation.

Le Conseil des ministres, faisant usage des facultés qui lui étaient conférées par la Loi fondamentale de la République du 7 février 1959 – largement et concrètement inspirée de la Constitution de 1940 – promulgua la Loi n° 15 du 17 mars 1959, par laquelle il ordonna la confiscation et la conséquente adjudication à l’État cubain des biens qui constituaient le patrimoine de Fulgencio Batista et de toute personne ayant collaboré avec son régime tyrannique, auteurs reconnus de nombreux crimes prévus dans le Code de défense sociale alors en vigueur.

Ainsi, lorsque la Loi Helms-Burton fait référence dans sa section 302 du Titre III au trafic de biens confisqués par le gouvernement cubain, elle protège les criminels visés dans la Loi 15/1959, dont les biens furent confisqués parce qu’ils étaient coupables de délits.

LES PREMIÈRES NATIONALISATIONS

Les nationalisations, en tant qu’actes d’État, répondent au caractère souverain de cet État et, par conséquent, tout État est tenu de respecter l’indépendance de la façon de procéder de chacun des autres. Ce sont des actes de revendication économique au profit de la population et entraînent bien une indemnisation adéquate.

C’est à partir de la Première Loi de Réforme agraire que les actes de nationalisation eurent lieu à Cuba. Cette même Loi stipula le paiement effectué par l’émission de bons à 4,5%, amortissables sur 20 ans.

Concernant la Réforme agraire, le 29 juin 1959, le gouvernement des États-Unis adressa au gouvernement cubain une note diplomatique dans laquelle il signalait : « Les États-Unis reconnaissent que, conformément au Droit international, un État dispose de la faculté d’exproprier, dans sa juridiction à des fins publiques, et sauf dispositions contractuelles ou tout autre accord contraire. Cependant, ce droit doit être accompagné de l’obligation correspondante de la part d’un État, en ce sens que cette expropriation entraîne le versement rapide, adéquat et effectif d’une indemnisation. »

Une note marquée par l’ingérence et l’arrogance, qui prétend établir la forme de la compensation plutôt qu’une indemnisation convenue par les parties. Une exigence inadmissible compte tenu du fait que le seul droit reconnu internationalement est celui d’une « indemnisation appropriée », conformément aux dispositions en vigueur dans l’État qui nationalise. Face à cette atteinte à la souveraineté et à la dignité nationales, le Gouvernement cubain rejeta ce qu’il considérait comme une immixtion dans les affaires intérieures du pays.

Toujours prêt à discuter de son désaccord en la matière avec les États-Unis, le 22 février 1960, à travers une note de son ministère des Relations extérieures au gouvernement des États-Unis, Cuba fit part de sa volonté de reprendre, par la voie diplomatique, les négociations entre les deux pays sur un pied d’égalité, précisant que celles-ci interviendraient à condition que le Congrès ou le gouvernement de ce pays « ne prenne aucune mesure unilatérale susceptible de compromette les résultats des pourparlers ou de causer du tort à l’économie du peuple cubain ».

La réponse arrogante ne se fit pas attendre: « Le Gouvernement des États-Unis ne saurait accepter les conditions de négociation exprimées dans la note de Son Excellence, à savoir qu’aucune mesure unilatérale ne sera prise par le Gouvernement des États-Unis qui pourrait affecter l’économie cubaine et celle de son peuple, que ce soit par le pouvoir législatif ou le pouvoir exécutif. »

Conformément à cette position impériale, refusant tout dialogue civilisé, l’administration d’Eisenhower instaurait les principes qui seraient la boussole qui guiderait la politique de toutes les administrations étasuniennes jusqu’à ce jour. Pour preuve, le mémorandum du 6 avril 1960 sur Cuba, rendu public moins d’un mois après l’échange de notes diplomatiques par le Secrétaire d’État adjoint du Département d’État, Lester Mallory, qui signalait au sujet de notre gouvernement révolutionnaire : « Le seul moyen efficace de lui faire perdre son appui interne est par le désenchantement et la désaffection basés sur l’insatisfaction et les difficultés économiques. […] Il faut mettre en pratique au plus vite tous les moyens possibles pour affaiblir la vie économique […] en refusant à Cuba de l’argent et des livraisons [...] afin de réduire les salaires nominaux et réels, de provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement. »

SUPPRESSION DU QUOTA SUCRIER

D’autres lois de nationalisation au bénéfice du peuple furent édictées par le gouvernement révolutionnaire : les lois 890, 891, 1076, la Loi de la Réforme urbaine, etc.

Mentionnons aussi la Loi 851 du 6 juillet 1960, qui stipulait la nationalisation, pour des raisons d’utilité publique et d’intérêt social, des biens des personnes physiques ou morales ressortissantes des États-Unis, ainsi que l’indemnisation prévue. Le paiement des biens expropriés serait effectué, une fois l’expertise achevée, en bons de la République.

Pour l’amortissement de ces bons et à titre de garantie, l’État cubain constituerait un fonds qui serait émis annuellement avec 25 % des devises étrangères correspondant à l’excédent des achats de sucre effectués par les États-Unis au cours de chaque année civile sur trois millions de tonnes espagnoles longues, pour consommation interne, et à un prix non inférieur à 5,75 cents de dollar la livre sterling. À cet effet, la Banque nationale de Cuba ouvrirait un compte spécial en dollars sous le nom de « Fonds pour le paiement des expropriations de biens et d’entreprises nationaux des États-Unis d’Amérique ».

Les bons rapporteraient un intérêt d’au moins 2 % par an et seraient remboursés sur une période d’au moins 30 ans.

Conscient des dommages qu’il causait à ses ressortissants en les empêchant d’accéder à l’indemnisation accordée par la loi cubaine, le Gouvernement des États-Unis supprima le quota sucrier qu’il avait historiquement convenu avec Cuba et qui, compte tenu du rôle du sucre dans l’économie du pays, était devenu une base essentielle pour le versement d’une indemnisation adéquate, ce à quoi il ajouta le blocus économique, commercial et financier.

Les accords conclus avec la Suisse et la France (1967), la Grande-Bretagne, l’Italie et le Mexique (1978), le Canada (1980) et l’Espagne (1986) ont témoigné de la volonté de l’État cubain de dialoguer et de parvenir à une entente pour une indemnisation appropriée des personnes expropriées.

Il fut expressément convenu dans ces accords d’indemnisation que :

-Le titulaire de la réclamation représenté par son gouvernement dans les négociations de gouvernement à gouvernement devait être un ressortissant de l’État demandeur au moment où les biens revendiqués avaient été expropriés.

-Le montant forfaitaire et global de l’indemnisation n’est pas la somme de ce qui est réclamé, mais le résultat d’une juste évaluation.

-L’établissement de délais et de modalités de paiement en argent et en nature.

On pourrait alors se demander : selon quel ordre juridique reconnait-on aux États-Unis le droit de faire juger par leurs tribunaux les actes souverains d’un autre État et les ressortissants d’États tiers ? Ce n’est que dans l’arrogance impériale, la violation flagrante du Droit international et le mépris total pour les autres pays du monde, que l’on peut trouver une explication à cette conduite.

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