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Diaz-Canel : « Nous avons lutté pendant 150 ans et nous continuerons à lutter jusqu’à la victoire »

Canel DemajaguaDiscours prononcé par Miguel M. Diaz-Canel Bermudez, président du Conseil d’État et du Conseil des ministres, à la cérémonie nationale du 150e anniversaire du début de nos luttes pour l’indépendance, à La Demajagua, dans la province de Granma, le 18 octobre 2018, « Année 60 de la Révolution »

Auteur: Miguel Díaz-Canel Bermúdez | internet@granma.cu

(Traduction de la version sténographique du Conseil d’État)

Camarade général d’armée Raul Castro Ruz, Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de Cuba ;

Compatriotes :

Nous voici de nouveau à La Demajagua, le lieu où, animés de la plus grande dose de sentiments patriotiques, nous pouvons dire : Nous sommes Cuba.

Nous sommes Cuba : vous, nous, l’histoire et ce paysage formidable, qui ressemble à une toile de la nation, avec la mer et la montagne en arrière-plan et, au centre, les vieux fers du moulin à sucre entrelacés dans les racines d’un puissant « jagüey ».

Selon la légende, qui est une version poétique de l’histoire, aucun artiste n’a érigé ce monument (il le montre du doigt). C’est l’œuvre de la nature.

Après le soulèvement, dans un acte d’impuissance ridicule, les troupes espagnoles mirent le feu à l’endroit ; et le temps passa, et le jagüey qui éternise l’événement passa lui aussi par la roue de l’ancien moulin à sucre.

Il est impossible d’arriver à cet endroit sans s’émouvoir devant à un tel mystère. Un de plus parmi tous ceux qui nous ont accompagnés depuis le début de la lutte pour une Cuba libre.

Aujourd’hui, nous venons demander à l’histoire la permission de pénétrer dans l’un de ses lieux sacrés, d’adorer ceux qui nous ont donné la nation et ceux qui l’ont sauvée par la suite, ne s’autorisant que des sacrifices.

Ce lieu est à la fois beau et sublime, car c’est ici que Carlos Manuel de Céspedes dressa l’âme d’un peuple fraîchement né contre la métropole qui l’avait tyrannisé pendant plus de trois siècles, et déclara tous libres et citoyens, sans distinction de couleur de peau ou de sexe, sapant à jamais les fondements déjà rongés d’une société esclavagiste et patriarcale.

Il est légitime de vénérer le sol sur lequel l’ancien maître et ceux qui, jusqu’à ce moment là, étaient ses esclaves, sous un déluge de pluie, chevauchèrent ensemble.

Ici est né, voici 150 ans, la Révolution cubaine, et c’est ici qu’un siècle plus tard, Fidel a marqué son caractère unique, du 10 octobre 1868 à nos jours.

Il est également émouvant de penser que cette cloche, sonnant ce jour glorieux pour décréter pour la première fois l’égalité des droits pour tous à Cuba, en 1947, serait reprise par un jeune étudiant pour secouer la conscience nationale, celui-là même qui reviendrait en 1968, déjà converti en le leader révolutionnaire Fidel Castro Ruz, pour nous donner une une insurmontable leçon d’histoire.

Le 10 octobre du centenaire est un autre événement qui mérite d’être célébré. Ce jour-là, le nom de Carlos Manuel de Céspedes allait prendre une signification plus profonde en tant que Père de la Nation.

Jusque-là, sa célèbre phrase selon laquelle tous les Cubains étaient ses enfants, en refusant de rendre les armes en échange de la liberté d’Oscar, était l’explication de l’école de base cubaine pour que nous l’appelions Père.

Nous n’avions pas encore les puissants arguments de la signification pour Cuba de ses premières actions en faveur de la liberté, un sujet qui a toujours fait l’objet de nombreux débats parmi les universitaires, mais pas dans les discours d’anniversaire ni dans les manuels scolaires.

Photo: STUDIOS REVOLUCION
Les réflexions d’un passionné d’histoire comme Fidel furent, ce jour-là, plus qu’un discours, une invitation sensible à revisiter, avec le cœur et l’esprit définitivement débarrassés des vieilles leçons importées et réductionnistes, le cours dramatique du processus amorcé cent ans plus tôt, dans cette vallée – si proche du marais par où il allait lui-même débarquer dans le pays, en 1956, avec l’expédition destinée à sauver la Révolution avortée par l’intervention étrangère – et, face aux montagnes, où la génération du Centenaire allait lutter à nouveau pour l’indépendance, avec le même dévouement que les fondateurs de la nation.

J’ai relu à maintes reprises les paroles de Fidel lors de cette soirée solennelle, et c’est à peine si j’ai réussi à trouver des phrases capables de marquer leur transcendance historique. Elles sont toutes transcendantes et gardent une actualité qui fait frémir, même si elles ont été prononcées à une époque où la plupart de ceux qui sont réunis ici aujourd’hui n’étaient pas nés et où j’étais un élève du primaire.

Les plus âgés se souviendront certainement de ce jour, également pluvieux, selon Fidel lui-même. Et je ne doute pas que tout le monde sait que c’est ici qu’il a dit : « …à Cuba il n’y a eu qu’une seule révolution : celle amorcée par Carlos Manuel de Céspedes le 10 octobre 1868, et que notre peuple mène de l’avant aujourd’hui. »

Cependant, il ne suffit pas de s’en souvenir. Nous devons inviter nos enfants et nos petits-enfants, les élèves d’aujourd’hui, à comprendre le sens de cette phrase par laquelle il commence la première analyse politique publique du chapitre le plus marquant de l’histoire nationale.

Commençons par l’analyse qu’il fait des décisions de Céspedes. Fidel signale : « …l’histoire de nombre de mouvements révolutionnaires a fini, dans leur immense majorité, en prison ou sur l’échafaud.

« Il est incontestable que Céspedes avait compris clairement que ce soulèvement ne pouvait pas attendre trop longtemps ni courir le risque de passer par le long processus d’une organisation parfaite, d’une armée en bonne et due forme, de grandes quantités d’armes, pour commencer la lutte…

« L’histoire de notre peuple au cours de ces cent ans confirme cette vérité axiomatique : si, pour combattre, nous avions d’abord attendu de réunir les conditions idéales, d’avoir toutes les armes à notre disposition, d’assurer un approvisionnement, alors la lutte n’aurait jamais commencé… »

Face aux énormes défis de la Cuba actuelle, condamnée par le blocus nord-américain à une pénurie de ressources matérielles qui semble rendre la prospérité impossible, il est impératif de reprendre l’analyse de Fidel en 1968.

Face à la réalité de ce premier jour d’être Cubains, une idée qui à l’époque se limitait à quelques dizaines d’hommes, presque tous sans armes et trempés par la pluie, s’est révélée l’extraordinaire puissance d’un idéal révolutionnaire. Au lieu d’attendre des temps meilleurs, les insurgés de La Demajagua, euphoriques, se décidèrent à lancer une révolution qui leur coûta, dès le premier moment, tout le capital qu’ils possédaient, voire la vie.

Ceux qui ne regardent leur destin ou celui du pays à travers le prisme de leurs biens diront : « Ils ont tout perdu ». Seuls ceux qui croient en la Patrie comprendront la vérité : « Ils nous ont tout donné. Même ce qu’ils n’avaient pas : la liberté. »

Depuis lors, nous savons qu’il est possible de vaincre en partant de zéro, parfois sans autres armes que la morale et le patriotisme. Et que c’est de la lutte dans les pires circonstances que sont nés l’énorme courage et la résistance qui ont fait du peuple cubain ce qu’il est, ce que nous sommes : une nation souveraine, indépendante et fière de son histoire, ce qui n’est encore qu’un rêve à conquérir pour de nombreuses nations dans notre région et dans le monde.

La décision de Céspedes de libérer les esclaves, qui ne trouverait de consensus parmi les insurgés que l’année suivante, à l’Assemblée de Guaimaro, est un autre acte que Fidel décrit comme radicalement révolutionnaire dans ses paroles en 1968.

Par ce geste, Céspedes était une fois de plus en avance sur ses contemporains, et c’est peut-être alors et non plus tard, qu’il mérita le titre de père de tous les Cubains.

Parce que la nation naissante ne pouvait ignorer l’une de ses grandes forces : les enfants des hommes et des femmes, émigrants africains par la force du fouet et du pouvoir colonial, dont les descendants s’élèveraient jusqu’aux plus hauts grades militaires dans la guerre d’indépendance et dans la dignité de l’être national, comme en témoignerait tout au long de sa vie exemplaire Antonio Maceo, celui qui à Baragua, comme le soulignait Fidel : « …sauva le drapeau, sauva la cause et hissa l’esprit révolutionnaire du naissant peuple cubain au niveau le plus élevé… »

Nous sommes Cuba, disons-nous encore une fois, en invoquant le plus courageux des guerriers, le métis, fils d’un lion et d’une lionne, qui ne se contenta pas des gloires du chef « mambí » le plus redouté par ses adversaires et remplit le livre de sa vie de pages d’une telle dignité qui, en les repassant aujourd’hui, rendent plus juste et nécessaire l’appel constant du général d’armée Raul Castro Ruz à défendre et promouvoir cet héritage humaniste de Céspedes qui mit l’homme noir aux côtés du blanc et non pas derrière lui. Non pas à son service, mais comme son égal.

Il les a aussitôt appelés citoyens, sans distinction. Héritière de cette première loi qui, même sans être encore rédigée, rendit déjà digne l’être humain dans les profondeurs du maquis, notre Assemblée nationale, pouvoir suprême de la nation, porte aujourd’hui et devra toujours porter les couleurs qui ont rendu Cuba invincible. Les Noirs, les mulâtres et les métis sont aussi nécessaires au pays de notre avenir, au même titre qu’ils ont donné gloire au pays de notre honorable passé.

Compatriotes :

Le même jour qu’aujourd’hui, presque 20 ans après le soulèvement de La Demajagua, lors d’un meeting avec les émigrants à New York, un José Marti, exalté par les émotions d’un public de patriotes cubains, déclara :

« Cette date, cet enthousiasme religieux, la présence (…) de ceux qui, un jour comme aujourd’hui, ont renoncé au bien-être pour obéir à l’honneur (…) ceux qui sont tombés sur la terre en apportant la lumière, comme les héros tombent toujours, exigent des lèvres de l’Homme des paroles telles que lorsqu’on ne peut parler avec des rayons de soleil, avec les transports de la victoire, avec la sainte joie des armées de liberté, la seule langue qui en soit digne est le silence. Je ne sais pas s’il y a des mots dignes de cet instant. »

On ressent alors le besoin de se taire quand, en le lisant, on écoute Marti. Si l’auteur des mots estime qu’il n’y en a pas qui méritent d’être dits, qui oserait parler… Mais l’Apôtre lui-même nous a laissé dans ce discours un guide pour ne pas avoir à nous taire, lorsqu’il s’est demandé : « Pourquoi sommes-nous ici ? Qu’est-ce qui nous encourage, plus que notre gratitude, à nous rassembler pour honorer nos pères ? »

Et notre génération répond : Si 1968 marqua la nécessité d’analyser l’histoire à la lumière des concepts marxistes, pour la couvrir de tous les lauriers qui lui avaient été escamotés par les intervenants, aujourd’hui cette même histoire demande de nous des bilans et un apprentissage indispensable pour la transition vers une nouvelle étape de cette même Révolution qui continue 150 ans après.

Les deux années 68 qui nous précèdent sont riches d’enseignements et, de l’une à l’autre, le pays que nous sommes aujourd’hui s’est façonné.

Fidel soulignait en 1968 que si nous ne comprenons pas le processus historique de la Révolution, « nous ne connaîtrons rien à la politique ». Pourquoi ? Pour quoi faire ?, pourraient se demander les naïfs ou ceux qui croient que les subjectivités ne pèsent pas sur les destinées d’un pays. Eh bien, pour les mêmes raisons que nos adversaires nous ont demandé de tourner la page et d’oublier l’histoire.

Parce que c’est là où sont les clés de toutes nos défaites et de tous nos échecs, et il y en a eu des très douloureux pendant ces 150 ans de lutte. Mais c’est là où sont aussi les clés de la résistance et des victoires.

L’école cubaine, dans toutes ses classes et à tous les niveaux, a le devoir inexcusable d’étudier ce chapitre de notre histoire à travers le discours de Fidel en 1968, ainsi que deux autres, indissociables de celui-ci : celui du 13 mars 1965, sur les marches du Grand escalier de l’Université de La Havane, et celui du 11 mai 1973, à Jimaguayu. Dans cette magnifique triade, digne de l’extraordinaire intellectuel et orateur qui l’a faite, on peut boire, comme dans aucune autre source, la valeur de l’unité et comprendre le sens profond de la brève phrase que nous avons choisie pour nous identifier dans les réseaux sociaux et autres espaces que la communication actuelle impose : Nous sommes Cuba.

Lorsque, le 10 octobre 1868, Carlos Manuel de Céspedes donne lecture de son vibrant manifeste aux « compatriotes et à toutes les nations », il pose des principes invariables qui font de la Révolution un fait unique et continu :

« Cuba aspire à être une nation grande et civilisée pour tendre une main amie et avoir un cœur fraternel envers tous les autres peuples et si l’Espagne consent à la laisser libre et tranquille, elle l’accueillera en son sein comme la fille aimante d’une bonne mère. Mais si elle persiste dans son système de domination et d’extermination, elle devra nous égorger, nous tous, et ceux qui viendront derrière nous avant de faire de Cuba, pour toujours, un vil troupeau d’esclaves. »

Changeons dans ces propos le nom de l’Espagne pour celui de la puissance contemporaine qui, depuis 60 ans maintenant, nous traque, et nous trouverons la solution et la position invariable dans le destin que nous avons choisi. La Révolution reste la même.

Et les défis sont également identiques : un siège impérial de l’extérieur ; une vocation annexionniste de quelques-uns de l’intérieur – de ceux qui ne croient pas que la patrie peut s’élever avec ses propres forces – et comme seul salut : l’unité.

Marti et Fidel l’ont vu et l’ont averti, chacun en son temps. Ils ont tous deux appris, de l’histoire précédente, que seule la désunion a pu faire la faiblesse de la nation.

Aujourd’hui, au moment où nous discutons du modèle de société dont nous voulons nous doter, il est essentiel de penser aux Céspedes, aux hommes et aux femmes devenus des héros à ses côtés et à tout ce qui a brisé leurs rêves, si proches des nôtres. La rupture de l’unité a toujours été la cause essentielle des pertes et des reculs.

Un siècle après la naissance de Marti, la génération qui allait revendiquer sa noble aspiration à regrouper et à unir les défenseurs de la continuité de la Révolution émergea dans l’horizon historique de Cuba. Je veux parler de notre génération historique, une vénérable avant-garde qui ne s’est jamais détournée de sa responsabilité et de son engagement envers les humbles.

Ici, aujourd’hui, les plus jeunes enfants de la Patrie ont ratifié le message aux nouvelles générations qui exprime notre ferme détermination à ne pas abdiquer, à ne pas trahir et à ne jamais renoncer.

Assumons comme nôtres et comme une ferme décision de continuité les paroles prononcées par Fidel le 10 octobre 1968 : « Parce que ce peuple, qui a lutté pour son destin pendant cent ans, est capable de se battre encore cent autres années pour ce même destin ».

Compatriotes :

Nous avons lutté pendant 150 ans et nous continuerons à lutter jusqu’à la victoire.

Vive Cuba Libre ! (Exclamations de : « Viva ! »)

Gloire éternelle à Carlos Manuel de Céspedes ! (Exclamations de : « Gloire ! »)

Vive le 10 octobre ! (Exclamations de : « Viva ! »)

Vive le peuple cubain héroïque et ses luttes centenaires ! (Exclamations de : « Viva ! »)

Vivent Fidel et Raul ! (Exclamations de : « Vivan ! »)

Le Socialisme ou la Mort !

La Patrie ou la mort !

Venceremos ! (Ovation)

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