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Obama arrive à Cuba 20 ans après l’entrée en vigueur de la Loi Helms-Burton

obama Helms BurtonLe président Brack Obama enterre plusieurs mythes avec sa visite historique à Cuba. Il renverse l’hégémonie de la mafia cubano-américaine sur l’important État de la Floride et sur le contrôle de la « vérité » qu’elle a imposée de longue date sur ce qui se passe dans la Grande île des Caraïbes. Le président des États-Unis a eu le courage de se passer de la redoutable machine électorale de Miami, de ses votes, de son soutien financier et de sa capacité de recourir à la fraude.

Cuba et les États-Unis ont entretenu depuis plus d’un demi-siècle une relation que beaucoup ont qualifiée par euphémisme d’amour-haine. Cuba est une nation qui éprouve du respect pour les États-Unis, qui n’a jamais ressenti de haine pour le peuple de ce pays en dépit des appétits qu’elle a suscités et qu’elle continue de susciter chez les gouvernements de ce pays. Des appétits qui, basés sur l’Amendement Platt ou la Loi Helms-Burton prétendent ignorer encore aujourd’hui les droits des Cubains consacrés par plus de 100 ans de lutte et par les 30 articles de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme.

La paix et la tranquillité qui règnent à Cuba sont de plus en plus universellement reconnues. Cette réalité est aussi le fruit de l’exemple de ses dirigeants, car Fidel et Raul ont toujours fait honneur à leur maître José Marti. Cuba est peut-être le seul pays où jamais la bannière étoilée ne sera brûlée. Jamais nous n’avons prêché la haine contre ceux qui se disent nos ennemis. Dans les jardins d’enfants, le civisme et l’éthique sont inculqués aux enfants avec les vers de notre Héros national José Marti : « Et pour le cruel qui m’arrache le coeur avec lequel je vis, je ne cultive ni carde ni ortie : je cultive la rose blanche ».

88% DES ÉTASUNIENS QUI VOYAGENT À CUBA FAVORABLES À LA LEVÉE DU BLOCUS

Un sondage du quotidien El Nuevo Herald, ennemi acharné de la Révolution cubaine, ainsi que l‘agence AP, dans une dépêche émise par la société Friendly Planet Travel, a révélé que 88% des citoyens des États-Unis qui voyagent à Cuba sont favorables à la levée du blocus exercé contre Cuba. Le président Obama et son secrétaire d’État John Kerry ont demandé au Congrès d’en finir une fois pour toutes avec cette politique de coercition dénommé « embargo » par les dirigeants nord-américains.

À l’Assemblée générale de l’ONU, chaque année 188 voix exigent la cessation du blocus, avec aucune abstention et deux voix contre : les États-Unis et Israël.

Ce n’est pas un hasard si Jontay Darkol, une boursière nord-américaine de l’École latino-américaine de médecine (ELAM) de La Havane – un programme qui a diplômé gratuitement plus de 24 000 jeunes professionnels de la santé en provenance de 84 pays – apprécie les nombreux gestes de courtoisie et de déférence qui lui sont adressés à chaque descente de bus.

Darkol réside à Chicago, dans l’Illinois, un État où Barack Obama parvint à être élu sénateur local de l’Illinois entre 1997 et 2004, année où il fut élu sénateur des États-Unis.

Cette jeune étudiante de 5e année de médecine affirme ne jamais avoir ressentie à Cuba ni haine ni rancune à l’égard de son peuple. En dépit de plus de 50 ans de relations tendues entre nos deux pays, elle a su conquérir l’affection de ses camarades. « Ce qu’il y a de plus précieux dans la vie, ce ne sont pas les articles achetés sur les marchés mais la culture apprise ». (1)

Son amie Shaneen White a commencé ses études de médecine à Cuba il y a six mois. Elle vient de suivre un cours d’espagnol qui lui permet de maîtriser la langue. Shaneen est originaire de Tampa, en Floride, une ville où les gens sont favorables au rétablissement des liens historiques avec cuba.

DE L’AMENDEMENT PLATT À LA LOI HELMS-BURTON

Au début du 20e siècle, les États-Unis s’appliquaient à codifier leurs relations futures avec Cuba à travers l’Amendement Platt. À la fin de ce même siècle, le gouvernement de Washington a tenté de le faire par le biais des lois Torricelli et Helms-Burton. « Ces trois documents nous donnent une image révélatrice de l’historique changement révolutionnaire et d’une soi-disant transition d’idéologie », selon l’écrivaine Jane Franklin.

Ces velléités datent du 18e siècle. Le Havanais Juan Miralles, commerçant de marchandises diverses, dont des esclaves, se sentit aux anges lorsque la Couronne espagnole porta son choix sur lui pour observer le processus d’indépendance des treize colonies anglaises en Amérique du Nord.

Cet agent sagace comprit tout de suite que la terre cubaine offrait un marché prometteur pour les matières premières, et qu’en peu de temps la proximité avec le voisin du nord permettrait de passer rapidement des commandes de produits qui mettaient six mois à arriver depuis l’Espagne.

Juan Miralles devint ainsi un collaborateur et un admirateur opportuniste des pères de l’indépendance des États-Unis, à qui il prêta une précieuse aide matérielle et morale. Il était loin d’imaginer ce qu’allait coûter à l’Espagne et à Cuba l’étroite relation qu’il contribua à créer, mû non pas par la noble cause de la liberté de ce peuple mais par ses intérêts personnels et ceux de l’Espagne et de la France, qui souhaitaient un affaiblissement de l’empire britannique.

La lutte du peuple cubain pour arracher son indépendance à l’Espagne et la préserver ensuite contre les intentions de la plus grande puissance de l’Histoire date de plus de deux siècles.

En 1805, le président Thomas Jefferson avertissait le ministre britannique à Washington qu’en cas de guerre contre l’Espagne son pays s’approprierait Cuba « par nécessité stratégique ».

Et en 1823, John Quincy Adams, le Secrétaire d’État de Monroe, écrivait : « Cuba, presque visible depuis nos côtes, a pour diverses raisons une grande importance pour les intérêts commerciaux et politiques de notre Union… il est pratiquement impossible de résister à la conviction que l’annexion de Cuba à notre République fédérale sera indispensable ». Ainsi s’exprime la stratégie visant à attendre le moment propice de la chute du « fruit mûr » qui permettrait de justifier la guerre contre l’Espagne à laquelle Jefferson faisait allusion. Le prétexte fut l’explosion et le naufrage du cuirassé USS Maine dans le port de La Havane. Ce fut, selon l’historien Howard Zinn, l’une des justifications avancées par Washington pour déclencher la guerre. Cet éminent écrivain la compare au bombardement de Pearl Harbor, à Hawaï, et à l’« incident » du Golfe du Tonkin au Vietnam.

En 1901, Le Congrès approuva l’Amendement Plat, cette Loi Helms du 20e siècle qui allait également donner lieu à une « transition démocratique et pacifique à Cuba ». Le 20 mai 1902 marquait le passage de Cuba du statut de colonie espagnole à celui de néo-colonie des États-Unis, autrement dit la fin de l’étape coloniale, mais aussi le début de la lutte contre la métropole néocoloniale dont parlaient Marti et Antonio Maceo.

Dans les deux guerres d’indépendance de Cuba, les régions ouest et est du pays connaissaient une situation économique différente. La région occidentale était plus développée, avait davantage d’esclaves, de production et de facilités commerciales que le reste du pays. Ces facteurs et la maturité politique des propriétaires terriens grâce à l’influence de la Révolution française créèrent les conditions pour que la conspiration anticoloniale commence par l’est de l’île, une conspiration qui déboucher sur une lutte armée pour le progrès socio-économique, l’abolition de l’esclavage et l’émancipation.

Carlos Manuel de Cespedes — le Père de la Patrie —, Francisco Figueredo et Pancho Vicente de Aguilera, appartiennent au groupe de propriétaires fonciers de Bayamo qui déclenchèrent le soulèvement.

La prise de la ville de Bayamo, en octobre 1968, fut la première victoire militaire. Les rangs des partisans de l’indépendance se trouvèrent successivement grossi par des centaines de Blancs, de Noirs et de mulâtres libres qui rejoignirent l’armée de libération et qui donnèrent ce caractère populaire qui avait fait défaut à la guerre des États-Unis, si l’on sait que les pères de l’indépendance de ce pays, y compris Jefferson et Washington, préférèrent maintenir l’esclavage. À Cuba, l’abolition de l’esclavage fut proclamée et ce fut une guerre de nature différente.

Près de 40 ans plus tard, interprétant à sa manière l’article No 3 de l’Amendement Platt, le 29 septembre 1906 le Secrétaire étasunien à la guerre William Platt assuma le pouvoir à Cuba. Cette date marquait le début de la deuxième intervention des États-Unis dans l’île, la première datant de 1898, lorsque l’armée espagnole était pratiquement battue.

L’esprit d’indépendance profondément ancré chez les Cubains empêcha l’annexion de l’Île par les États-Unis. Le pays passa de mains en mains sous la présidence de Tomas Estrada Palma. Avant de renoncer à l’administration, les occupants assirent les « base juridiques » pour l’intervention qui priva les Cubains de l’indépendance, octroyèrent des dizaines de concessions aux entreprises nord-américaines et imposèrent un modèle de domination fondé sur la dépendance envers les États-Unis.

Partisan acharné de l’annexion et candidat de Washington, Estrada Palma se prêta à l’instauration du lucratif et rentable Traité de réciprocité commercial, en vigueur de 1904 à 1934.

La réélection frauduleuse d’Estrada Palma en 1906 donna lieu au soulèvement des vétérans de la Guerre d’indépendance et des membres du Parti libéral. Ce mouvement connu comme « la petite guerre du mois d’août » s’étendit à plusieurs provinces du pays, et devant la gravité de la situation et l’incapacité du gouvernement à régler la crise, le président Theodore Roosevelt, faisant fi des revendications des insurgés, décréta la 3e intervention des États-Unis. Il dépêcha son Secrétaire à la Défense William Taft, qui se rendit à Cuba à la tête d’un détachement de bâtiments de guerre. Estrada Palma et son cabinet démissionnèrent et, le 29 septembre 1906, Taft assume le pouvoir en tant que gouverneur général. Deux semaines plus tard, Charles Magoon remplace Taft et reste au pouvoir jusqu’au 20 janvier 1909. À partir de cette date, les capitaux des États-Unis se firent plus denses et Cuba allait conserver son statut néocolonial jusqu’à la victoire de la guerre révolutionnaire contre Fulgencio Batista, en 1959.

L’Amendent Platt fut abrogé en 1934 par Franklyn Delano Roosevelt à la suite de négociations et des incessantes protestations des Cubains. De nouveaux mécanismes virent le jour, inspirés de l’ancienne Théorie générale des obligations qui autorisait le recours à des pressions et à des accords en tout genre : je donne pour que tu donnes ; je donne pour que tu fasses ; je fais pour que tu fasses : je donne et j’ordonne pour que tu obéisses… C’est ainsi que le Traité de réciprocité commerciale nous fut imposé de 1904 à 1934.

Déjà en 1928, les Nord-américains étaient propriétaires de l’industrie sucrière, des services publics, des chemins de fer, de l’industrie du tabac, des hôtels, de l‘industrie du jeu et des loisirs, du commerce et de l’agriculture, de la plupart des usines du pays, des immeubles et même de la dette publique.

La situation du pays déboucha sur une autre révolution en 1933, année à partir de laquelle le président Franklyn D. Roosevelt gouverna durant quatre mandats au lieu de deux et mis son pays sur le pied de guerre pour tenter de contrecarrer la théorie néolibérale qui avait provoqué la crise que traversait son pays et le monde en 1929, une crise similaire à celle jugulée par Obama. En Amérique latine, il remplaça les canonnières par la « Politique de bon voisinage ». À La Havane, il laissa sans effet l’Amendement Platt tout en faisant avorter le processus révolutionnaire jusqu’en 1959.

La Loi Helms-Burton adoptée par le président William Clinton en mars 1996 fut rédigée par les avocats de la société Bacardi et présentée par le sénateur Jesse Helms. Elle fut approuvée quelques jours après les vols illégaux d’avionnettes sur La Havane, des provocations orchestrées par les groupes ultras de Miami jusqu’à ce que deux de ces appareils soient abattus. Cette loi confère au Congrès la faculté de décider quand un gouvernement est légitime. Non seulement elle est extraterritoriale conte Cuba, mais elle l’est contre la souveraineté de tous les pays.

Cuba a été l’objet de la plus longue guerre économique de l’histoire, une guerre livrée depuis la mer et le ciel contre des bateaux et des avions, et au cours de laquelle des logements civils, des centres agricoles et des usines ont été détruits. Le 4 mars 1960, dans la baie de La Havane, le sabotage du navire français La Coubre fit plus d’une centaine de morts, dont six marins français, ainsi que des centaines de blessés. En 1976, un avion de ligne cubain explosa au large des côtes de la Barbade, un attentat perpétré par des terroristes qui aujourd’hui encore se promènent librement à Miami, grâce aux bons offices de l’administration de George Bush.

Le monde devrait connaître toute la vérité sur le dénommé « embargo ». Le président Barack Obama, en rétablissant les relations diplomatiques et avec les mesures adoptées, n’a cependant pas arrêté cette guerre non déclarée. Mais ses actions reconnaissent la résistance des Cubains.

Les conditions avancées toutes ces années ont changé progressivement jusqu’à ce que l’objectif principal du stablishment soit désormais la « transition idéologique ». Cette visite pourrait être révélatrice avec des variantes différentes. Pour l’instant, il suffit de dire que ce sont déjà près de 200 ans de lutte et de résistance.

(Granma)

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