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“Grand Angle” sur la réalité cubaine

Ce programme est né de ma collaboration avec l´espace de débats « Jeudi dernier » de la revue « Temas » (« Thèmes ») et avec d´autres publications qui ont repris ces débats. Ma préoccupation principale était : « Pourquoi ne pas sortir ces discussions qui se nouent principalement dans les milieux universitaires et les amener vers les médias, et dans ce cas, vers la télévision ? ».

La plupart des recherches et des connaissances échangées dans ces cercles et dans la revue « Temas » restent confinées à ces espaces. Il m´a semblé intéressant que les arguments défendus par ces chercheurs puissent être mis à la disposition de la population à l´heure d´analyser toute question liée à la vie économique ou sociale du pays.

Je pense aussi qu´au niveau des décideurs on manque parfois d´information sur la portée de ces recherches et sur leur utilité. Comme la revue « Temas » était ma principale source d’inspiration, j’ai proposé le projet à son directeur, Rafael Hernandez, pour qu´ensemble nous lui donnions la meilleure forme possible d´adaptation à l´écran. Au départ j´avais l´idée de réaliser une interview puis cette idée a évolué jusqu´à la forme qu´on a pu voir cet été. Il s´agit d´un programme qui combine les opinions de spécialistes sur un thème donné avec des fragments d´oeuvres audiovisuelles cubaines ou non, qui peuvent être recontextualisées pour créer un discours cohérent avec les opinions des interviewés.

Pour nous c´était plus important d´utiliser des extraits du cinéma cubain, non seulement la production de l´ICAIC mais aussi des productions indépendantes et des matériels qui n´avaient jamais été, même sous forme d´extraits, montrés à la télévision. Ce fut aussi en partie un hommage au cinéma de ces cinquante dernières années qui nous laisse une image de ce qu´a été et de ce qu´est Cuba. C´était combiner le discours universitaire avec le discours audiovisuel, en un tout harmonieux où chaque image répond à une intentionalité. Aucune image n´est placée au hasard, tout a été bien pensé, chaque plan á sa fonction ; c´est pourquoi la sélection des films utilisés a été un processus difficile où tous les membres de notre équipe ont eu la possibilité de faire des suggestions sur ce qui nous paraissait le mieux.

IS : Quels thèmes aborde le programme ?

LS : En huit programmes nous avons abordé l´économie – première et deuxième partie – sur le thème : «  De la Macroéconomie à l´assiette ». Pourquoi commencer par l´économie ? Parce que nous voulions que le téléspectateur puisse se situer à propos de ce qui pouvait se produire à la suite des nouvelles lignes directrices du modèle économique cubain et l´impact de ces transformations sur les économies familiales.

IS : Il faut dire que le programme a été diffusé pendant l´été 2011. On venait d´approuver les « lignes du parti pour le développement économique et social » au congrès du Parti…

LS : En réalité on nous a donné le feu vert pour le projet vers le mois d´avril pour pouvoir commencer la diffusion en juillet. Ce fut la course mais avec l´avantage d´en tirer un programme très actualisé.

A partir de ce concept nous avons traité le modèle de production agricole sous le titre “Agriculture et paysans : sillonner le possible”. Nous savons que ce thème est critique pour Cuba. Ce programme a insisté sur les potentialités de l´agro-écologie et sur la possibilité d´alterner ce modéle avec l´agrculture à hauts revenus.

Un autre thème fut celui des jeunesses, un thème assumé au pluriel. Ce programme me semblait fundamental parce nous tentions d´offrir des arguments pour montrer la diversité de ce qui se passe dans la jeunesse cubaine, c´est pour cela que nous l´avons baptisé « Jeunesse cubaines », pas « une « jeunesse et pas la « même ».

Nous avons aussi abordé la participation citoyenne, thème qui de prime abord peut sembler abstrait, mais non. C´est un thème qui traverse tous les autres. C´est frappant de voir que, dans l´agriculture, dans l´économie, dans l´environnement, la participation surgit toujours comme la clef du succès des transformations du modèle économique cubain. C´est pour cela que lorsque nous pensons à ce thème nous avons décidé de l´appeler “Participation citoyenne : chemins pour prendre part à”.

Les autres thèmes furent “Politique environnementale : du dire au faire” ; “Bureaucratie et bureaucratisme : de l´excessif et du nécessaire”. Tout était pensé pour que finalement nous ayons un panorama large des possibilités et des défis qui se présentent à Cuba dans ce processus de mise à jour du modèle socio-économique. L´idée fut que le programme ne “piétine” pas en énonçant le problème, mais arrive au point de faire des propositions sur la base des enquêtes que la majorité des invités avaient développées, ils ont été la clef de cet espace. Il faut aussi donner au téléspectateurs la conviction qu´il y a des personnes qui travaillent à penser le pays que nous voulons construire. Comme dit le slogan : « pour penser le Cuba que nous avons et penser le Cuba dont nous rêvons”

IS : Tu es une personne jeune, comme presque toute l´équipe…

LS : En réalité peu de membres de l´équipe dépassent les trente ans. Nous avons décidé que l´esprit ne pouvait être de répéter ce qui se faisait déjà. Parfois, à l´heure de préparer les scénarios, une question surgissait et nous disions, oui mais cette question ressemble trop à celle que ferait tel ou tel dans un programme connu. Nous avons voulu faire un programme qui ressemblerait à Canal Habana et qui fût á la hauteur du défi que nous assumons. Parler à Cuba du modèle économique, parler de l´agriculture…

IS : …et en plein changement…

LS : Exact, parler de ces thèmes, inviter des chercheurs de ce calibre, tout cela doit beaucoup au prestige de la revue “Temas” et à l´intervention de Rafael Hernández ; il fallait aussi être au niveau de ces chercheurs dont les enquêtes extraordinaires apportent beaucoup à ce pays.

Mais le plus important c´est que nous avons formé une bonne équipe : Jamais nous n´avions travaillé ensemble mais nous avons eu un très bon niveau de communication et nous avons tous travaillé avec la même force : montages jusqu´à l´aube, sessions prolongées sur un scénario, défense du programme lorsque tel point de vue n´aidait pas. La vision de Rafael Hernández fut essentielle pour l´orienter dans le sens le plus pertinent quant aux thèmes et aux invités, pour aller à l´essentiel.

IS : Quel a été le programme le plus difficile à réaliser ?

LS : Celui sur le thème de l´environnement. Il y a beaucoup de réticences parmi les chercheurs qui travaillent sur ce thème. Le thème de la participation, nous pensions qu´il serait plus difficile à traiter, mais ce ne fut pas le cas.

IS : Le thème de l´environnement.

LS : Oui, nous nous sommes dit, ce sera le plus noble.

IS : Et Cuba en ce domaine a une politique d´avant-garde, internationalement…

LS : … et des résultats mais ce programme nous a coûté beaucoup d´efforts. Finalement nous avons obtenu un plus en réussissant à fare venir un vie-ministre, car personne d´autre n´osait venir parler de politique environnementale et de changement climatique.

IS : En d´autres mots, ce n´était pas tant une fermeture des institutions mais une fermeture des mentalités, comme dit Raúl.

LS : En effet. Ce n´était pas les institutions, car quand nous avons frappé aux portes du CITMA, il n´y a pas eu de problèmes ; mais parmi beaucoup de chercheurs il y a de grandes résistances pour aborder ce thème. Ce phénomène ne s´est pas produit avec le thème de la participation, ni avec celui du bureaucratisme.

IS : Quel accueil a reçu le programme ? Sachant que ton canal est local, qu´il porte sur La Havane.

LS : Je ne dispose pas d´étude d´audience mais je crois que le public a beaucoup aimé. Je dis ça à cause des courriers que nous avons reçus. Les téléspectateurs ont fait des suggestions de thèmes, ont même proposé des noms de spécialistes, certains démontaient l´avis des chercheurs, beaucoup insistaient sur la continuité du programme. Par ailleurs nous avons eu une bonne critique dans le journal « Trabajadores », une interview dans une édition digitale de « Tribuna de La Habana » et un article qui a circulé dans plusieurs blogs cubains. Nous avons décidé de ne faire aucune concession à la simplicité, dans les limites imparties par le médium télévisuel bien sûr.

Un élément de pour et de contre, ce fut l´horaire de transmission du programme. Le programme passait dans l´horaire du “Triángulo de la Confianza” qui a une forte audience mais notre programme n´a rien à voir avec le « Triángulo », ni dans la forme, ni dans le contenu. Heureusement une partie du public nous a suivis nous aussi, et les gens ont compris qu´il s´agissait de quelque chose de différent. Je suis contente.

IS : Quel est l´avenir du programme ?

LS : L´idée de la direction de Canal Habana est de programmer une nouvelle saison pour l´été 2012, c´est-à-dire de le réserver pour la période où le programme “El Triángulo de la Confianza” prend ses vacances. Nous aimerions que nos saisons ne soient pas si distancées, mais c´est l´offre de programmation qu´on nous a faite pour le moment.

IS : Y aura-t-il des changements dans le programme, par exemple au lieu de voix universitaires, faire surgir un contrepoint, comme une parole populaire, comme des opinions dans la rue…

LS : Nous ne pensons pas tant à des opinions qu´à des récits de vie liés aux thèmes du programme. Ce qui le rend plus complexe à produire mais nous voulons identifier des histoires et créer notre propre discours visuel.

IS : Comme une sorte de reportage ?

LS : plutôt documentaire, par le témoignage graphique. Même si nous n´écartons pas la possibilité que tu proposes.

IS : Canal Habana est une sorte d´avant-garde esthétique dans l´audiovisuel télévisuel cubain. Comment le programme s´y insère-t-il , dans sa fabrication, dans son concept visuel ?

LS : Il y a des choses qui n´ont pas marché du tout comme nous le voulions, comme la technique du “découpeur » mais l´idée fut d´avoir une image très fraîche à travers l´usage de la scénographie virtuelle. Le dessin a répondu à des codes qu´on utilise beaucoup aujourd´hui dans la télévision, oú on cherche un style très rationnel, presque minimaliste, avec beaucoup de blancs ; bien que cela n´est pas apparu comme nous l´imaginions ni comme nous l´avions vu pendant les essais, réalisés avec une caméra HD (haute définition, NDT) alors qu´ensuite les caméras avec lesquelles nous avons travaillé n´avaient pas la même définition, la photographie n´était pas la plus appropriée et nous n´avons pas obtenu les meilleurs résultats.

De toutes manières le concept a toujours été clair et nous l´avons amélioré, à partir du troisème programme on a perçu l´amélioration par rapport aux deux premiers. Bien sûr tout ce qui est lié au dessin restait lié au manuel de style de Canal Habana. En termes de programmation, on ne pouvait pas réunir des personnes sur le plateau car cela allait trop ressembler au “Triángulo” ou à « Libre Acceso », ni passer un documentaire intégral car le programme « breves estaciones » remplit déjà ce rôle ; ce fut un peu le mélange de tout, avec un discours inhabituel pour la télévision cubaine.

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